Le Mhelbi-crème de riz et ses origines

par Samia Bouchenafa
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m'helbi algérois

Voici un dessert très répandu en Algérie, que nous dégustons souvent durant le ramadan, le m’helbi est une crème de riz parfumée à la fleur d’oranger et à la cannelle.

Le m’helbi Algérien et son histoire

Bonjour à vous qui visitez mon blog, aujourd’hui on va parler de ce délicieux dessert qui me rappelle mon enfance et jusquà ce jour je ne m’en lasse pas, surtout quand il est bien frais, c’est un dessert très rafraichissant en fin de repas, et que nous adorons déguster lors des tablées raadanesques.

Si ce n’est que la recette qui vous interesse, alors allez directement en bas de page, mais si vous désirez en savoir plus, alors prenez quelques minutes, assoyez vous et nous allons partir quelques siècles en arrière.

m'helbi algerien

Dire qu’il est Algérien est faux, et je vais en surprendre plus d’un, car on l’associe souvent à la mahalabia ou mouhalabieh Libanaise ou Syrienne, et bien que celle-ci se prépare de façon différente elle n’a rien à voir  qui n’a rien à voir avec le m’helbi que l’on déguste en algérie.

L’histoire de cette crème de riz est antérieure à la conquète Arabe en Andalousie, et serait d’origine Persanne, d’après les écriits que j’ai épluché et qui sont les plus sérieux comme le Levy provençal ou L’anonyme d’el andalous dont je vous ai parlé plusieurs fois.

Le terme de mouhalabiah est le suivant et la composition n’a rien de commun avec ce dessert, le terme même d’après « Voir M. Rodinson », 1949, p. 137 ; le livre de  Bagdadi, trad. p. 46, la muhalabiyya est surnommée bahatta. Voir également Les mille et une nuits, trad. de Mardrus, Paris, éd. R. Lafont, 1980, t. I, pp. 4232-424.

Dans le livre Anonyme en recette n°247 on retrouve d’oû serait l’origine du mot : « <f°59r.> On dit qu’un cuisinier persan dont la maison jouxtait celle de Muhalab b. Abî Safra (Grand qâdî de Basra, mort en 702) , lui présenta pour le lui faire goûter un bon mets préparé à son intention. Le mets fut apprécié et nommé muhalabiyya. »

La recette de cette muhalabiyya, répertoriée sous le N° 248 est la suivante : « Prendre quatre livres de viande de mouton gras et la mettre dans une marmite, verser de l’huile, quatre onces, du sel, deux dirhem, un morceau de cannelle de Chine, du galanga, des oignons coupés, du camphre, juste ce qu’il faut, faire cuire presque à point et retirer la marmite de feu. Sortir la viande et la mettre dans un autre ustensile, puis prendre de la graisse de mouton et la couper au couteau comme on coupe les légumes. Prendre une marmite propre, mettre au fond une couche de graisse, mettre pardessus une couche de viande cuite, une couche de galettes coupées comme pour une panade, et ainsi de suite, une couche de viande, une couche de graisse, une couche de galettes, jusqu’à épuisement des ingrédients. Verser alors du lait frais, de quoi recouvrir les galettes, ajouter du sucre, suffisamment pour que sa douceur se sente. Prendre vingt œufs, les brouiller et les mettre dans la marmite sur la viande et les galettes ; incliner la marmite dans tous les sens en arrosant pour bien faire pénétrer le lait partout puis, dès que le lait remonte à la surface, mettre dans un tannur chaud, le fermer et laisser s’imbiber. Sortir, démouler dans un beau récipient. Présenter. »

m'helbi algerois

Donc comme vou spouvez le voir le muhallabieh n’a absolument rien de comparable avec ce que l’on trouve de nos jours, sauf que la recette du dessert dont je vous parle aujourd’hui  et que l’on retrouve nommée en recette 245, s’appelait – Manière de faire cuire le riz au bain-marie (‘cuire à l’eau’ mais la description de la cuisson est explicite et le procédé est donc ancien). avec une recette se rapprochant tellement de celle que nous avons qui est bien celle qui est à l’origine du M’helbi, voir même du fameux riz au lait que nous trouvons en France ou en Italie et dans tous les pays Méditérannéens. La recette en question est celle ci tirée du livre Anonyme :

  • « Prendre du riz lavé à l’eau chaude, le mettre dans une marmite et verser dessus du lait frais venant juste d’être trait[1] puis mettre la marmite dans un chaudron de cuivre[2] à moitié plein d’eau, ou un peu plus, poser le chaudron sur le feu en calant la marmite contenant le riz et le lait pour qu’elle ne se renverse pas, tout en étant protégée du feu. Laisser cuire sans remuer et, lorsque le lait s’est évaporé, en remettre de nouveau, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le riz éclate. Ajouter alors du beurre frais et le faire cuire avec le riz. Lorsque le riz est cuit et désagrégé, retirer la marmite du feu et malaxer à la cuillère pour finir de le réduire en bouillie, puis le verser dans un plat, lisser et saupoudrer de sucre en poudre, de cannelle et de beurre. Consommer ».[1] L’auteur (ou auteure car il parait que ça serait une feme qui écrivit le livre anonyme dit dans certaines recettes qui suivent dans le livre et que je ne mettrais pas car elles n’ont pas d’interêt pour mon post que pour avoir du lait encore chaud, il faut que les animaux vivent à proximité de la cuisine ! Et les Traités de Hisba permettent d’attester que l’on peut se procurer au marché des animaux vivants (voir par ex. Lévi- Provençal, Séville musulmane, Paris, 1947, p. 69, par. 65). [2] Litt : burma (qui est le terme original) que je traduis par chaudron (1ère mention dans le Traité). Il est précisé, uniquement dans cette recette que l’ustensile est en cuivre, je continuerai à traduire burma par chaudron pour distinguer des autres ustensiles (casseroles, marmites etc.) et comme il y aura un synonyme : tangîr, que je traduirai également par chaudron, et il y a aussi quelques exemples où le chaudron, burma, est en terre.
  • Plus proche aussi est cette recette répertoriée sous le N°258 et qui non seulement se rapproche du m’helbi mais aussi de la palouza que nous réalisons de nos jours à base d’amidon de maïs (Maïzena) ou de farine de riz et qui est la suivante et nommée comme – Recette du riz délayé dans du sucre.
  • « Laver du riz à volonté, le faire cuire comme d’habitude puis poser la marmite sur une pierre chaude et laisser un moment. Lorsque le riz a éclaté, remuer avec une grande cuillère jusqu’à ce qu’il soit réduit en bouillie et qu’il ne reste plus trace du moindre grain. Couvrir de sucre blanc égyptien en poudre, malaxer vigoureusement en ajoutant du sucre de temps à autre, jusqu’à ce que sa douceur domine et qu’il devienne comme du gâteau aux amandes délayé. Verser alors dans un plat, faire un trou au milieu et le remplir de beurre frais ou d’huile d’amandes douces et fraîches. Et si on le fait cuire dans du lait à la place de l’eau il sera encore meilleur, saupoudrer de cannelle ou de nard ou de gingembre. Refroidir et consommer. »

mahalbi-algerien

Donc Voilà pourquoi je dis bien que le mh’elbi n’est pas Algérien et pourtant de part mes origines Algériennes j’aurais bien aimé pouvoir vous dire le contraire, mais son origine est là, et il faut bien comprendre que l’influence Arabe sur la cuisine Espagnole, Marocaine, Algérienne, Tunisienne n’est plus à prouver , écrit à l’appui  du livre « Kitâb al-Tabîkh fi’l-Maghrib wa’l-Andalus fi’asr al-Muwahhidin, appelé désormais : Anwa’ a-saydala fi alwan al-at’ima (Les genres de pharmacopée dans la préparation de toutes sortes de mets) et connu sous le titre Anonyme andalou, ce manuscrit date du premier tiers du 13e siècle. Il a été traduit en espagnol et édité avec 526 recettes, en 1965 à Madrid, par D. Ambrosio Huici-Miranda : La cocina hispano mogrebi en la epoca almohade segun un manuscrito anonimo (Livre sur la cuisine en Afrique du Nord et en Andalousie au temps des Almohades). Une réédition a été faite en 2005 aux ediciones TREA S.L. : La cocina Hispano-Magrebi durante la epoca almohade.

 Et si vous désirez en savoir plus je ne saurais que vous conseiller les livres de Lucie Bolens et en particulier, La cuisine andalouse, un art de vivre, XIe-XIIIe siècle aux éditions Albin Michel ou La cuisine d’Al-Andalus, les saveurs du partage de la même auteure.

Donc si l’on en a trouvé les traces datant du début du 13ème siècle, vous vous doutez bien que son origine est encore bien plus ancienne, en ayant voyagé de la Perse, remontée sur le moyen Orient, l’empire Ottoman, traversé toute l’Afrique du Nord pour atterir en Andalousie puis se retrouver sur nos tables désormais, la route fut longue mais les traces de ce dessert médiéval est encore là, bien présent et c’est une bonne chose qu’ il ne soit pas tombé dans l’oubli, comme beaucoup de plats anciens de la cuisine Algérienne. Heureusement que désormais, nous ne faisons plus cuire dans des chaudrons en cuivre mais dans des casseroles inox, que nous trouvons de la crème de riz à hydrater, ou des brisures de riz, ou de la farine de riz, que la cannelle est en poudre et que n’avons plus besoin de distiller la fleur d’oranger, bien que cette tradition est toujours d’actualité dans les régions de Constantine ou de Blida dans l’Algérois.

Beaucoup de personnes pensent le mouhalabieh est Libanais alors qu’il était déjà servit à la cour de Topkapi durant la période Ottomane, et plus particulièrement à la mère du Sultan et au Sulatn lui-meme pour vous dire que peut de personnes y avaient accès, cela est problement du à la proximité des pays et des échanges commerciaux entre eux.

Le mohallabieh s’appelait le bonbon , il y avait plusieurs sortes de bonbons et le mouhalabieh etait un des préférés dans le palais, c’ était un pudding à base d’amidon appelé zerde . ainsi que de la coloration au safran, de la noisette moulue et de l’amande. Bien que cela ne soit pas détaillé dans les livres de cuisine, les poudings féculents ( pelte, paluze ) et les puddings au lait ( muhallebi ) ont également été mentionnés. Cependant, les Ottomans appelaient tout mélange contenant de la farine de riz, du lait et du pouding au sucre  (muhallebiion était si courante que toute la maison du palais aurait apprécié ce bonbon qui contenait du riz, du sucre et de l’amidon ), malheureusement beaucoup de personnes font l’amalgame entre les deux.

mehelbi algerois

Maintenant on passe à la recette du Mhelbi, en espérant vous avoir éclairé et fait voyager dans le temps tout comme je l’ai été en lisant tous les livres pour être le plus précise possible, bien sur mon article pourrait être encore plus long mais je pense que ça suffit (pour aujourd’hui). Si vous êtes interessé par l’histoire gastronomique, alors je vous invite à voir l’histoire du nougat que j’ai rédigé il y a quelques temps, ou celle de la moussaka entre autre. 

Recette du m’helbi Algérien

Ingrédients

  • 600 gr de lait
  • 50 gr de farine de riz
  • 50 gr de brisures de riz (si vous n’en avez pas vous mettrez 70 gr de farine de riz)
  • 50 gr de sucre
  • 2 c.à soupe d’eau de fleur d’oranger
  • Quantité suffisante de cannelle pour le décor

Méthode de préparation

  • Dans une casserole, verser le lait, le sucre la farine de riz, les brisures de riz et bien mélanger pour dissoudre la farine de riz et le sucre
  • Mettre à chauffer en remuant de temps en temps avec une spatule et dès la première petite ébullition baisser le feu au minimum
  • Remuer sans arrêt en formant un 8 dans la casserole, dès que la préparation nappe la spatule (cuisson à la nappe) , vérifier que le riz est cuit, sinon continuer de remuer jusqu’à cuisson du riz
  • Retirer fu feu et ajouter la fleur d’oranger en mélangeant bien
  • Verser dans des coupelles, et laisser refroidir à température ambiante
  • Placer les coupelles au réfrigérateur, le m’helbi se déguste bien froid
  • Décorer avec de la cannelle en poudre

Maintenant c’est vous le chef, vous trouverez la recette du mhelbi en version imprimable ci-dessous, bon appétit et prenez soin de vous, Samia.

m'helbi algérois

Le Mhelbi-crème de riz et ses origines

Imprimer
Nombre de part: 4 Temps Préparation: Temps de Cuisson:
Nutrition facts: 180 calories 20 grams fat
Rating: 4.3/5
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Ingredients

  • 600 gr de lait
  • 50 gr de farine de riz
  • 50 gr de brisures de riz (si vous n'en avez pas vous mettrez 70 gr de farine de riz)
  • 50 gr de sucre
  • 2 c.à soupe d'eau de fleur d'oranger
  • Quantité suffisante de cannelle pour le décor

Instructions

  • Dans une casserole, verser le lait, le sucre la farine de riz, les brisures de riz et bien mélanger pour dissoudre la farine de riz et le sucre
  • Mettre à chauffer en remuant de temps en temps avec une spatule et dès la première petite ébullition baisser le feu au minimum
  • Remuer sans arrêt en formant un 8 dans la casserole, dès que la préparation nappe la spatule (cuisson à la nappe) , vérifier que le riz est cuit, sinon continuer de remuer jusqu'à cuisson du riz
  • Retirer fu feu et ajouter la fleur d'oranger en mélangeant bien
  • Verser dans des coupelles, et laisser refroidir à température ambiante
  • Placer les coupelles au réfrigérateur, le m'helbi se déguste bien froid
  • Décorer avec de la cannelle en poudre

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6 commentaires

Palouza ou Balouza Algérienne à la rose | Le monde culinaire de Samia BOUCHENAFA 2 mai 2020 - 15 h 39 min

[…] vous assurer que j’ai été bien surprise au fur et à mesure de mes découvertes comme dans mon article sur le m’helbi qui pourrait vous […]

Réponse
Belateche 25 avril 2020 - 16 h 46 min

Merci beaucoup pour les recettes et surtout pour les conseils

Réponse
Samia Bouchenafa 30 avril 2020 - 15 h 57 min

De rien, je vous remercie pour votre visite, bonne journée

Réponse
Marie 31 mars 2020 - 19 h 56 min

Merci beaucoup pour cet article magnifique…
Et le partage de cette superbe recette
Bisous

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Samia Bouchenafa 8 juin 2020 - 18 h 17 min

Bonjour Marie, merci pour votre visite et votre gentil commentaire, bonne journée

Réponse

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