Le Nougat – un héritage Arabo-andalous
Histoire du nougat et ses origines, ainsi que les anciennes recettes des différents nougats retrouvées sur des livres du X eme et XIII siecle
Le livre contient plus de 420 recettes divisées en 73 chapitres, et les chapitres 93 à 104 parlent des desserts,.
- Chapitre 93 : 9 recettes de dessert (fālūdhaj)
- Chapitre 94 : 12 recettes de dessert (khabīsa)
- Chapitre 95 : 7 desserts avec carottes, dates ou pommes (khabīs)
- Chapitre 96 : 4 recettes de dessert aux noix ou aux amandes
- Chapitre 97 : 4 recettes de desserts (khabīs)
- Chapitre 98 : 11 recettes de pâtisserie dont 2 recettes sucrées avec des pâtes (itriya).
- Chapitre 99 : 3 recettes de losanges d’amandes (lawzīnaj)
- Chapitre 100 : 6 recettes de beignets (zalābiya)
- Chapitre 101 : 3 recettes de gâteaux secs et crêpes
- Chapitre 102 : 4 recettes de crêpes
- Chapitre 103 : 4 recettes de décoration de desserts
- Chapitre 104 : 6 recettes de nougats (nātif).
Et voilà la plus ancienne trace écrite sur les nougats appelés nātifs et que l’on retrouvera sous différentes appellations dans les livres et recettes énumérés plus bas.
” L’Italie n’a pas inventé les pâtes, elles viennent du Proche Orient. Pourtant, les Italiens en ont imaginé plus de 300 variétés. De même, le nougat n’a pas été inventé en Italie, mais c’est dans ce pays qu’il connaît sa plus grande diversité”. A partir d’un simple mélange de miel et/ou de sucre, de fruits secs, avec ou sans blanc d’oeuf, le nougat devient, en Italie, torrone, copeta, cubbaita, cumpittu, mandorlato, pignolata, gelato. Le torrone se décline en torrone de Crémone, du Piémont, de Sardaigne, de Bénévent, la copeta vient de Basilicate, de Lombardie, du Piémont ou de Sienne, etc…
En France, il n’y a vraiment que 4 sortes de nougats : de Montélimar, de Provence, de Corse et le touron catalan. Par contre l’Italie a su diversifier sa production. Nous avons recensé presqu’une trentaine de torroni, venant de régions différentes.
Je vous mets le lien de la recette de nougat tendre aux fruits secs de Montélimar ici
Les origines du turrón
La légende des premiers turróns sans blanc d’oeuf est reprise par d’autres : il m’a été expliqué qu’au 16e siècle, les premiers turroneros de Jijona étaient des agriculteurs de la région de Jijona, qui travaillaient la terre de janvier à septembre, récoltaient les amandes et le miel en septembre, fabriquaient le turrón en octobre pour le vendre de novembre à décembre dans les grandes villes d’Espagne
Cette belle chronologie serait valable en France, où la récolte des amandes a bien lieu en septembre, alors qu’en Espagne elle est plus précoce.
C ‘est en 1492 lors de la Reconquista (re conquête) des territoires chrétiens de la péninsule Ibérique que les arabes et juifs ainsi que bons nombre de Chrétiens détenus en prisons seront chassés vers le Maghreb, emportant avec eux l’ héritage Arabo-Andalous.
” Mais comme les Français, lors de la colonisation du Maghreb, ont eux aussi apporté le nougat dans leur bagage culinaire, il n’est pas toujours facile de savoir si le nougat du Maghreb, qu’il soit juif ou musulman, est un héritier direct du nougat andalou ou s’il a été modifié par mimétisme avec le nougat français.” Extrait du livre de Marie Joseph Montcorgé ” Le nougat dans tous ses états aux éditions Tambao.
Je répondrais à Mme Montcorgé, si les Français ont apportés avec eux le nougat de Montélimar, c’est parce qu’il est lui-même un héritage Arabo-Andalous, donc a t’on le droit de parler de mimétisme et pas plutôt d’héritage ?
En parcourant les différents livres, j’ai pu retrouver plusieurs recettes, qui ne s’appelait pas nougat, je me suis rendue à la biblitohèque Nationale de France pour y consulter la version espagnole du livre el Andalous de Huici Miranda Ambrosio, La cocina hispano-magrebi durante la época almohade, et l’original du livre El Andalous s’y trouve aussi, Il n’est pas fait mention du mot nougat ou turron, mais voici les recettes que j’ai pu relever.
Recette du livre l’ Anonyme d’El Andalous
- Recette N° 349” Recette d’épaississement du sucre” : ou l’on fait fondre du sucre dans de l’eau additionnée d’eau de rose, portée à ébullition ( c’est un sucre cuit) dans lequel lorsqu’il sera refroidi on y incorporer des blancs d’oeufs montés, puis remis à cuire ( il est précisé remettre à cuire jusqu’à ce que le miel blanchisse mais ce n’était pas du miel mais du sucre de canne qui prenait appellation de miel quand il devenait sirupeux) et avec une incorporation de pistaches et ou d’amandes torréfiées.
- Recette N° 350 ” Préparation du fâlûdağ “ : ” Faire fondre une mesure de miel (là par contre il s’agit du vrai miel) à feu doux jusqu’à ce qu’il soit fluide et coulant. Ensuite le filtrer dans une étoffe de laine et le remettre sur le feu. Y ajouter une mesure d’huile et, si c’est du miel en rayon, l’épaissir avec une livre d’amidon, s’il n’est pas en rayon l’épaissir avec une livre un quart. Remuer jusqu’à ce qu’il soit épais, ajouter six dirhem(s) de safran pilé et, dès qu’il durcit, verser une demi-livre d’amandes, le verser sur le marbre et, en attendant qu’il tiédisse, le remuer à la main jusqu’à ce que l’huile ressorte, puis le tapoter à la main pour former une galette fine. Consommer, si Dieu le veut.
- Recette 351 parle de ” L’ Épaississement du miel ” : Mettre une livre de miel en rayon sur feu moyen jusqu’à ce qu’il soit liquide, ensuite le filtrer et le remettre sur le feu. Battre alors vingt-cinq blancs d’œufs si c’est du miel en rayon et trente s’il n’est pas en rayon. Verser les blancs dans le miel et mélanger avec une canne à sucre jusqu’à ce qu’il blanchisse et s’épaississe. Verser ensuite une livre de noix émondées et consommer, si Dieu le veut.
- Recette N° 473 – ” Fâlûdağ ” : Prendre du bon miel filtré et le mettre sur feu doux dans un chaudron2 propre. Mettre pour chaque livre de miel deux livres d’amidon, délayer ce dernier et le mélanger avec le miel sans cesser de remuer et, si l’on veut, on peut le colorer au safran. Ensuite rassembler le tout à la cuillère et, lorsque c’est presque pris, mettre pour chaque livre de miel quatre livres d’huile puis, sans cesser de remuer, ajouter de la bonne graisse jaune, une demie-once par livre et demie de miel. Lorsque l’huile commence à suinter, enlever ce qui suinte car, à part ce qui reste normalement d’humidité, la halwa sera plus ou moins sèche selon la proportion d’huile enlevée. Disséminer ensuite des moitiés d’amandes émondées, juste ce qu’il faut ; on peut rajouter des amandes et un peu de sésame et laisser cuire. Quand c’est cuit, verser la halwa sur une pierre enduite avec de l’huile et façonner des galettes, grandes ou petites et dresser, ou bien la découper en donnant les formes que vous voulez.
- Recette N° 474 – ” Autre plat de falûdâğ préparé au sucre” : Faire fondre une livre de sucre et faire cuire à feu doux, puis ajouter quatre onces de miel pour maintenir de l’humidité sans qu’il ne se cristallise en durcissant. Faire cuire jusqu’à ce que cela épaississe puis y verser trois onces de bonne d’huile, une once d’amidon délayé et trois dirhem(s) de gomme arabique délayée dans de l’eau de rose, tout en continuant à remuer jusqu’à ce que la préparation prenne consistance. Disséminer des moitiés d’amandes et, lorsqu’elle a parfaitement pris, la faire couler en bandes sur une pierre enduite d’huile d’amande douce. En façonner <f°72v.> des galettes ; elles sont ensuite découpées et dressées.
- Recette N° 477 – Halwa aux dattes et au sucre : Prendre des dattes ‘šadih’, enlever les noyaux et en piler une livre. Ensuite les faire fondre avec de l’eau dans un chaudron1 à feu doux puis ajouter autant de miel écumé et remuer jusqu’à ce que cela prenne consistance et ajouter alors une bonne quantité d’amandes et de noix émondées et un tout petit peu d’huile pour que cela ne brûle pas ; continuer ainsi à faire épaissir et durcir, puis verser sur une pierre graissée. Façonner des pains ronds et les couper, grands ou petits, avec un couteau tranchant.
- Recette N°482 parle de la – Halwa de Syrie : “Prendre trois livres de sucre blanc, une livre de miel filtré et les réunir dans un chaudron mis à chauffer à feu doux, sans cesser de remuer. Lorsque cela commence à épaissir, ajouter une livre et demie d’amidon délayé et coloré, de la farine de gruau et continuer à remuer. Lorsque cela commence à épaissir, verser de l’huile douce lavée, disséminer des moitiés d’amandes et des pistaches, puis faire durcir de plus en plus en surveillant. Lorsque c’est parfait, retirer du feu et couper avec de l’eau de rose, du camphre, du nard et de la girofle. Ensuite, verser sur une pierre et découper des figures. Les déposer dans une marmite enduite de graisse et mettre de côté.
Il semblait n’y avoir aucune différence entre le falûdağ et la halwa. Mais le 54 mim, « autre plat de –fâlûdağ au sucre » signale –p. 208, note 7- l’erreur du 7009, ce qui permet de rectifier le titre suivant qui était au féminin.
Si l’ on se réfère à wikipédia sur les origines de la halwa celles-ci sont fausses et qui dit, “ Il se peut qu’une des premières mentions du halva soit une ancienne recette Stambouliote, datée de 1473, dans les registres de cuisine du sultan Mehmed II qui appréciait particulièrement le helvâ-i-hakami (helva du souverain). ” dont la référence elle même serait tirée du livre Artun Unsal, Beyhan Unsal et Levent Beskardes, Istanbul la magnifique, propos de tables et recettes, Robert Laffont, Paris, 1991, cité par Annie Perrier-Robert.
Au vu des livres que j’ai cité plus haut “El Kitâb al-Tabîkh Al-Warrâq ” avec son reccueil de recettes datant du 8 ème au 10 ème siècle et de L’ anonyme d’ El Andalous datant du 13 ème siècle soit 7 siècles avant pour l’un et 2 siècles pour l’autre, je ne vois pas comment on peut arriver sur des origines de la halwa en 1473.
Voilà, j’espère que mon article vous aura plu, il est le fruit de plusieurs années de travail donc il n’est pas libre de droits, et merci de m’avoir lu. Samia Bouchenafa
Sources :
http://www.oldcook.com/medieval-livres_cuisine_andalousie
Ibn Sayyâr al-Warrāq, Kitāb al-Tabīkh, 10e siècle, traduction anglaise de Nawal Nasrallah, Annals of the Caliph’s kitchens, Brill, 2007
Huici Miranda Ambrosio, La cocina hispano-magrebi durante la época almohade, traduction espagnole de l’Anonyme Andalou, 13e siècle, Ediciones Trea, SL, 2005
Ibn Razîn Tujibi, Fudalat al-khiwan, 13e siècle, traduction française par Association Fès Saïs, 1997
Ibn Halsūn, Kitāb al-Agdiya, 13e siècle, traduction Suzanne Gigandet, Institut français de Damas, 1996
Marie Joseph Montcorgé ” Le nougat dans tous ses états aux éditions Tambao,
2 commentaires
[…] vous êtes interessé par l’histoire gastronomique, alors je vous invite à voir l’histoire du nougat que j’ai rédigé il y a quelques temps, ou celle de la moussaka entre […]
MERCI CHEF SAMIA BOUCHENAFA ,
POUR TOUTES CES PRESIEUSES INFORMATIONS , BONNE CONTINUATION DANS VOS RECHERCHES ET DANS VOTRE TRAVAIL .